Essai de Martine Chéradame - édition 43FR d'AJ

Pourquoi l’aïkido


Martine Chéradame à Beaumont – 2012.

La lecture des contributions sur le thème « pourquoi l’aïkido ? » m’a intéressée, interpellée, fait réfléchir au sens de ma propre pratique, ma propre motivation, mon plaisir et mon ressenti sur le tatami.

Ma pratique se limite à quelques années et, compte tenu de mon âge, n’atteindra jamais une durée qui ferait de ma parole ce qu’on appelle une parole « autorisée ».
Si Horst publie cette contribution c’est, j’espère, qu’il aura vérifié que pour être celui d’une pratiquante débutante, cet écrit présente un intérêt. J’ai eu en tout cas envie de l’exprimer.

A cette question, « pourquoi l’aïki ? », la réponse qui s’impose à moi de plus en plus nettement, c’est « parce que uke ». L’aïkido est relation, et uke constitue le vecteur essentiel de cette relation.

On explique généralement le rôle d’uke en disant : « c’est celui qui attaque, et qui va subir la technique ».

La traduction du terme d’ « uke », c’est « celui qui reçoit ». C’est vrai ; et c’est une joie profonde de « recevoir » une technique, de sentir l’énergie de son attaque se transformer en une spirale, suivie du déploiement de son corps dans l’espace, avant de reprendre avec le sol un contact miraculeusement harmonieux.

Mais pour y parvenir, quel travail !
Uke reçoit la technique, certes, mais d’abord, il donne.

La première évidence, c’est qu’il attaque – et à ce moment, il est seme – et qu’il offre à son partenaire l’énergie qu’il met dans cette attaque.

Il offre aussi à son partenaire la sincérité de cette attaque : j’attaque, sachant que mon partenaire a besoin de mon action pour construire la sienne ; j’attaque, sachant que je ne saisirai le poignet de mon partenaire, si tout se passe « bien », ni de la façon prévue, ni au moment prévu ; si j’effectue une frappe, je sais qu’au mieux elle ne rencontrera que le vide.
A moi à la fois d’en faire abstraction et d’agir néanmoins en pleine conscience : il n’est pas question, au moment du contact, et en percevant l’action de mon partenaire, de réagir comme un combattant réagirait face à un adversaire au moment où il perçoit l’échec de son attaque. La seule « sortie » possible, pour uke, c’est ukemi. Ni victoire, ni défaite, mais le retour à l’harmonie permis par la technique aïki.
C’est en cela que réside la sincérité : ni naïveté, ni oubli de soi, ni passivité, mais don de quelque chose de soi-même à son partenaire, pour établir et maintenir la relation.


C’est tout sauf évident, et cela suppose un apprentissage, peut-être le premier et l’essentiel des apprentissages dans l’aïkido.
Etre uke demande de la confiance en soi, en sa capacité de vivre sans dommage la technique que le partenaire va proposer. Cela nécessite, bien sûr, de savoir « chuter », mais aussi d’avoir acquis la capacité d’un relâchement physique et mental qui permet de suivre le mouvement proposé par son partenaire sans se blesser ni souffrir plus que nécessaire.
Car la douleur fait partie de l’aïkido, ou plus exactement du processus d’apprentissage de l’aïkido.
C’est la douleur qui indique au pratiquant, lorsqu’il subit une technique, qu’il est en train de la refuser ; le problème, c’est que la technique n’est pas forcément effectuée correctement. Et pour cause : sur un tatami, il n’y a que des pratiquants en train de faire ce qu’ils ne savent pas faire, parce que précisément ils so …

© Copyright 1995-2024, Association Aïkido Journal Aïki-Dojo, Association loi 1901