Le point de vue d'editions n° 37FR d'AJ.

La nécessaire harmonie


André Cognard à Bourg Argental – 2011.

J’ai bien sûr eu vent des problèmes que rencontre l’aïkido français actuellement. Je pense que le milieu de notre art manque de réflexion de fond, qu’il est mal compris parce qu’il ne se définit pas lui-même comme ce qu’il est vraiment.
J’ai donc décidé d’utiliser cette opportunité qui m’est donnée par Aikido Journal pour émettre une opinion. Je suis bien conscient qu’il ne s’agit là que d’un avis parmi d’autres mais j’ai l’espoir qu’il pourra susciter quelques réflexions. L’espace ici étant malgré tout limité,  je voudrais renvoyer le lecteur à un article que j’ai écrit pour une publication universitaire sur le thème de « l’expérience et le sacré ». (Cet écrit est disponible sur le site de mon école Académie Autonome d’aïkido à l’adresse : 3aikido.org). Je m’attends à des objections mais je pense qu’il rencontrera un peu d’assentiment auprès de ceux qui voient dans notre pratique une dimension spirituelle. Il suffit de lire les poèmes écrits par O’Sensei, ses mandalas, ou les diverses biographies pour voir que l’aïkido était forcément pour lui une voie spirituelle avant tout. Même si l’on considère que sa pratique personnelle avait une dimension mystique qui ne concernait que lui, le message délivré par notre fondateur est sans équivoque. Il traite de la relation du singulier et de l’universel. Il est en ce sens marqué du sceau de la philosophie mais les valeurs humanistes qu’il insuffle en font définitivement un legs spirituel. J’espère que cette réflexion intéresse même ceux qui récusent cette dimension intérieure de leur pratique.



La première raison pour laquelle je mets ici un lien avec cet article tient au désir que j’ai de convaincre du bien-fondé de cette idée car je pense qu’elle permet de saisir quelles sont les difficultés que rencontre l’aïkido pour créer une unité durable. Les lecteurs intéressés pourront comprendre ce qui fait que je juge inséparable cette dimension spirituelle de la pratique.
La seconde raison est que je veux tenter d’éclaircir aux yeux des pratiquants de tout bord ce qui me fait être dans la marge du mouvement général de l’aïkido français. La structure fédérale et le principe d’organisation qu’elle implique interdit cette dimension qui précisément rend l’aïkido efficace. Je pense qu’il existe un certain nombre de quiproquos à propos de l’aïkido qui sont à l’origine de la marginalisation de certains groupes et aussi la cause principale des luttes intestines qui n’ont jamais cessé en France et qui se sont ravivées récemment. Je me souviens des combats de l’ACFA contre la FFJDA de l’époque, de la grande réunification ratée de l’UNA et j’en passe. Le Ministère n’est peut-être pas sourd mais faudrait-il encore être cohérent dans le message qui lui est adressé. Je commence donc par balayer devant ma porte en disant le plus clairement possible ce que je pense être l’aïkido et quelles sont les valeurs sur lesquelles je crois qu’il repose.
Quand je dis plus haut, efficace,  je ne parle pas d’une efficacité guerrière mais de préparer les pratiquants à une vie paisible dans le monde d’aujourd’hui, de créer chez chacun le désir profond d’un « vivre ensemble»  harmonieux. Ce qui me semble essentiel dans ce dessein, c’est d’être et de rester en contact avec l’esprit qui nous anime, je veux dire, celui qui a initié ce mouvement qu’est l’aïkido. Le portrait de O’Sensei aux kamizas des dojos atteste de la réalité de l’attachement à cet esprit qui nous unit. Mais la compréhension profonde de cela implique de créer une relation forte avec un maître capable de voir la perfection ontologique de son élève, de mettre en évidence la profondeur de celui-ci, de l’aider à se débarrasser des contraintes intérieures qui le gouvernent à son insu. Qu’est …

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