Komei Sekiguchi, AJ 40FR

Komei-Jyuku IAI-DO

Aikidojournal Interview

Je vous remercie de nous accorder cette interview.

C’est moi qui vous remercie.

Pourquoi avez-vous choisi le iaïdo ?

Je suis japonais, et je souhaitais pratiquer une activité traditionnelle japonaise. La raison pour laquelle je trouvais très intéressante la tradition japonaise était que le Japon était le pays des samouraïs. Bien sûr, je ne considère pas que leur politique, leurs combats dans ce pays soient parfaits, ni que tout ce qu’il ont fait soit très bon. La période Edo était l’époque durant laquelle la culture samouraï s’est développée, et j’étais intéressé par le style de vie des samouraïs et leurs valeurs.
Je voulais découvrir par moi-même tout ce que les samouraïs pouvaient nous apprendre aujourd’hui, non seulement au Japon mais aussi à l’ouest. Je voulais le découvrir à partir des styles anciens, des koryus anciens, pas dans les budos modernes comme le judo et le kendo. Je voulais l’apprendre de ces arts martiaux traditionnels. De nos jours, lorsque vous parlez de “michi” ou “do”, la “voie”, la première chose à laquelle pensent la plupart des gens, c’est le judo.

Ces arts anciens que sont le jujutsu, le iaïjutsu, le kenjutsu, l’aïkijutsu, sont tous des “jutsu”, pas des “do”. Ils sont “techniques” pas “voies”. C’est Kano Jigoro lui-même, qui pratiquait à l’origine le jutsu, qui a travaillé à l’unification de tout cela et il fut le premier à créer un “do”, il créa le Kodokan, le lieu où pratiquer la voie. Il a réfléchi à la manière de faire progresser les gens dans une bonne voie, il a finalement créé son art. Il a créé une Société des sports japonais, et ce fut le point de départ de tous ces sports que nous connaissons aujourd’hui.

Le iaïjutsu que j’ai choisi de pratiquer est plus centré sur la question de la survie : comment rester en vie, comment ne pas mourir dans un combat ; tout ceci est inclus dans les katas. Y est aussi inclus l’enseignement de Miamoto Musashi. C’est le « Go rin no sho », le Traité des 5 roues. Comment réchauffer votre corps lorsqu’il fait froid dehors, comment ne pas être mouillé même s’il pleut, comment survivre à une bataille. Tout cela est inclus dans mon style d’Iaïjutsu, ainsi que dans d’autres styles anciens.

depuis combien d’années pratiquez-vous le iaïjutsu ?

J’ai commencé très tard, j’étais déjà un adulte. On croit souvent que j’ai commencé dès l’enfance, mais en réalité j’ai seulement pratiqué le judo, le kendo et le karaté au collège. Je suis entré dans le monde du katana après mes études au collège. Et j’aimais énormément le katana. Mon souhait était d’en posséder un, mais aussi d’en comprendre l’esprit, de comprendre l’art de ces combattants : je ne pouvais pas me contenter d’en posséder un.

J’ai maintenant 65 ans, et j’ai fini mes études au collège à 17 ans, je pratique donc le iaïjutsu depuis plus de 40 ans.

comment êtes-vous devenu Soke de cette association ?

Tout le monde peut devenir soke. Parce qu’à l’époque où j’ai commencé à pratiquer le budo, il n’y avait presque personne que l’on appelait soke. Il y avait le kendo, le judo, mais il n’y avait personne pour tenir ce rôle. Presque tout le monde pratiquait le baseball qui arrivait des Etats-Unis.

Le iaïjutsu était pratiqué uniquement par des personnes âgées. C’était comme un loisir, c’était un passe-temps, que l’on voyait parfois en démonstration pendant les tournois de Kendo, et c’était tout.

Mon idée était au contraire que cet art martial traditionnel japonais devait aussi être transmis aux jeunes générations, et ne devait pas être perdu.

Quand j’ai été diplômé de mon collège, j’ai immédiatement commencé à travailler, dans une entreprise importante et bien connue. J’ai pu grâce à ce travail rencontrer des éditeurs, et je leur ai demandé s’ils pouvaient m’aider à me procurer des documents et des articles sur les arts martiaux anciens du Japon. Ensuite j’ai commencé à écrire des articles, que j’ai envoyés à de nombreux journaux. Puis j’ai commencé dans les relations publiques, la communication. Comme je travaillais dans ce milieu, j’avais de nombreuses occasions de rencontrer des éditeurs, et je voyageais également beaucoup. J’avais beaucoup de contacts avec des partenaires, d’autres entreprises. J’ai commencé à faire de la communication sur les arts antiques du Japon auprès d’entreprises et d’agences de voyage. J’ai travaillé avec une agence de voyage renommée. Mon idée était de proposer une semaine culturelle japonaise. Nous en avons organisé de nombreuses fois pour des clients à Versailles, en France. Je suis allé souvent en France. J’y ai fait souvent des démonstrations, même dans un aéroport !

Je suis allé également en Grèce. J’ai décidé d’aider les Japonais qui vivaient à l’étranger, les Japonais de seconde ou troisième génération qui étaient nés à l’étranger, de parents japonais ou mixtes. Ces personnes se trouvaient souvent entre deux cultures, ne se sentant pas vraiment japonais car d’une 2ème génération, ne pouvant aller au Japon par manque d’argent. Leurs enfants ont la nationalité grecque mais ils sont également japonais. J’ai donc voyagé en Grèce, à Athènes et là où ces personnes étaient installées. J’ai commencé à leur enseigner la culture japonaise, je leur ai enseigné que leur double culture était une richesse.

A cette époque, il n’y avait pas de limite de poids dans les vols. Je pouvais transporter pas mal de choses, et j’en profitais pour leur apporter des épices, de la nourriture japonaise, et bien d’autres choses japonaises. Je leur ai expliqué que même si aujourd’hui l’âge des samouraïs était révolu - au Japon vous ne verrez plus de samouraï marcher dans la rue - l’esprit des samouraïs est toujours vivant.

J’ai voyagé dans beaucoup de pays, comme le Népal, le Bhoutan, l’Inde. Et également en Italie, au Pays–Bas.

En Chine et en Corée du Sud, c’était particulier. En Corée du Sud, les Japonais ne sont pas très bien considérés. Les gens me demandaient pourquoi j’étais venu. Ils me demandaient « que croyez-vous pouvoir faire avec votre katana ? A quelle vitesse pourriez-vous le sortir ? Et le temps que vous le sortiez, vous aurez reçu 3 000 balles de mitraillette dans le corps. Que faites-vous avec votre katana alors qu’il y a des armes à feu ? ». Malgré ces conditions difficiles, j’ai pu développer le iaïjutsu en Corée et le faire devenir une activité importante. Je leur ai enseigné le dégainé et le rengainé comme étant un acte divisé en deux qu’il faut réunifier de nouveau. Cela m’a pris du temps de leur enseigner, et c’est toujours d’actualité. Mais malheureusement, ce qui a le plus été transmis du Japon à la Corée, ce sont les jeux vidéo. Donc nous devons en permanence enseigner, encore et encore, sans relâche, nous devons continuer.

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