Entravec Alain Guerrier de Frejus.

J’ai commencé l’aïkido en 1959 avec Me Tadashi Abe.


Alain Guerrier dans la maison à Frejus

Vous souvenez-vous de vos débuts en aïkido?

C'est très ancien : j'ai commencé l'aïkido en 1959 avec Me Tadashi Abe. J'avais commencé le judo à Marseille en 1956. J'ai fait du judo, parce qu'il n'y avait rien d'autre à l'époque. Je voulais faire quelque chose d'asiatique, j'avais lu des livres sur les arts martiaux, sur la philosophie orientale.

J'ai donc fait du judo pendant trois ans, puis Maître Tadashi Abe est arrivé.

Le professeur de judo, Jean Zin, a insisté pour que tous les élèves viennent suivre ce stage pour financer le séjour du maître. On a donc suivi ce premier stage qui avait duré dix jours.
Par la suite, Me Tadashi Abe venait une fois par trimestre nous enseigner l'aïkido. Il n'y avait pratiquement que des judokas comme uke, et il fallait montrer l'efficacité : ce n'était pas l'aïkido que l'on connaît aujourd'hui.

C'était assez dur, on pratiquait principalement sur saisies : c'était plutôt de l'aïki-jutsu que de l'aïkido. À l'époque on appelait cela le «jiu-jitsu amélioré». C'était un peu statique et on ne chutait pas beaucoup.

Ensuite, je suis parti au service militaire, et quand je venais en permission, maître Noro remplaçait Me T. Abe. Il venait une fois par trimestre pour diriger des stages à Marseille, mais il se rendait aussi dans toute l'Europe.

Il avait 27 ans et était en grande forme. Avec lui on commençait à faire un aïkido où l'on chutait, où l'on tournait: ça devenait beaucoup plus circulaire.
Et après il y a eu Me Nakazono qui est resté deux ans à Marseille, jusqu'en 1964, jusqu'à l'arrivée de Me Tamura. Lui aussi donnait des cours au Judo-club de Provence – il habitait dans le studio du judo club – ce qui nous permettait de pratiquer tous les jours. Lui seul nous a parlé du koto-tama et il nous faisait pratiquer régulièrement les sons qui en sont la base. Il nous parlait aussi beaucoup de spirale et il nous enseignait kote-gaeshi sur ce principe.


Chez Jean Zin ?

Oui. Jean Zin était champion d'Europe de Judo, 5e dan, c'était le propriétaire du Judo-Club de Provence, il y avait un tatami de 200 m2. Tous les grands judokas sont venus enseigner là, à commencer par Kawaishi, celui qui fut l'équivalent de Tadashi Abe pour le judo et qui a instauré le système des ceintures de couleur.

Et après il y a eu Me Tamura qui est arrivé en 1964. Là, avec un ami qui faisait aussi du judo, Roberto Arnulfo, nous étions en quelque sorte ses uchi deshi, nous étions uke à tous les cours, à Marignane, à Aix-en-Provence, et à Marseille où il donnait des cours le matin et le soir quatre fois par semaine. Nous pratiquions donc énormément à l'époque. J'avais 19 ans quand j'ai commencé, et 24 ans quand Me Tamura est arrivé. Avec Roberto nous étions parmi les plus jeunes. Maître Tamura venait nous donner des cours presque particuliers le matin. On avait cours de 7 heures à 8 heures, deux fois par semaine, et quatre fois le soir. Il était installé en permanence au studio du Judo Club de Provence avec sa femme, et nous le suivions partout. Et en 1969 j'ai pu enfin réaliser mon rêve, partir pour le Japon.

Je voulais voir Me Ueshiba et suivre ses cours, bien sûr. Mais quand je suis parti il était déjà dans le coma. Il est mort une semaine après mon arrivée et je ne l'ai jamais vu. Je suis allé à l'enterrement, c'était mon premier contact avec le Japon, je ne parlais pas japonais… et à sa mort l'Aïkikaï a été fermé pendant un mois. Je n'avais de l'argent que pour deux mois ! La femme de Me Ueshiba est morte trois semaines ou un mois après lui, et l'Aïkikaï a été refermé pendant trois semaines… ça commençait mal! Je suis arrivé le 18 avril, maître Ueshiba est mort le 26, mais j'ai réussi à donner des cours particuliers de français et, pour ce premier séjour, j'ai pu finalement rester huit mois, jusqu'en décembre.

C'est Me Yamaguchi qui, par sa présence, sa forte personnalité, la magie de ses techniques, m'a incité à rester puis, ensuite, à retourner à l'Aïkikaï. Il offrait vraiment quelque chose d'extraordinaire.


Quel était, à l'époque, l'emploi du temps à l'Aïkikaï ?

Il y avait 5 heures de cours par jour, comme maintenant. Cela n'a pas changé. Il y a toujours cours de 6 heures et demie à 7 heures et demie du matin – à l'époque c'était Kisshomaru Ueshiba qui donnait ce cour, maintenant c'est son fils – ensuite il y a un cours de 8 heures à 9 heures, ensuite l'après-midi de 3 heures à 4 heures, le soir de 5 heures et demi à 6 heures et demie, et de 7 heures à 8 heures.
En décembre je suis donc rentré en France puis, un an plus tard, je suis retourné au Japon où je suis resté quatre ans, jusqu'en 1974. Depuis j'y retourne plusieurs mois par an: un mois en mars avril, et un mois et demi en été.

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