Bouchareu Luc - AJ 42FR

J’avais fait beaucoup de judo et j’avais vu un jour une démonstration à la télévision.

Vous rappelez-vous quand vous avez commencé l’aïkido ?

J’ai commencé l’aïkido en 1977, à Aix avec Jean-Paul Moine comme instructeur. Jean-Paul Moine nous a tout de suite emmenés chez Maître Tamura qui faisait cours au CSU à Aix le mercredi et le vendredi. C’était le premier dojo de Maître Tamura sur Aix. Ensuite nous sommes allés directement à Marignane pour voir Maître Tamura, dans un vieux dojo très agréable. C’était en 1978.


Aviez-vous pratiqué d’autres arts martiaux auparavant ?

J’avais fait du judo avant, et de la boxe. J’ai commencé l’aïkido lorsque j’étais élève-maître à l’Ecole Normale. Nous devions avoir une activité sportive ou socio-éducative et j’avais choisi l’aïkido, que j’avais envie de pratiquer depuis longtemps. En arrivant à Aix, j’ai eu cette opportunité de m’entraîner deux fois par semaine dans un dojo, juste à côté de l’internat. Nous n’étions pas nombreux ; c’est surtout Jean-Paul Moine qui m’a donné envie de continuer.


Quel âge aviez-vous ?

J’avais 18 ans.

Pour quelles raisons vouliez-vous faire de l’aïkido ?

J’avais fait beaucoup de judo et j’avais vu un jour une démonstration à la télévision. Et mon père, qui avait fait la guerre d’Algérie, avait un instructeur dans les commandos parachutistes qui était ceinture noire d’aïkido. Je ne connais pas son nom, c’était peut-être un élève de Maître Nocquet. Il m’avait toujours dit que l’aïkido c’était bien, que cela ressemblait beaucoup au jujitsu, à la self-defense. Donc, j’ai eu l’occasion de faire de l’aïkido et je me suis inscrit. Et cela m’a plu tout de suite car Jean-Paul Moine était un bon professeur. Physiquement cela correspondait à ce que je voulais : me secouer fort. C’était agréable.

A l’époque Maître Tamura n’avait pas été malade, et tous les élèves de Maître Tamura étaient solides. On se fatiguait bien sur le tatami. Cela a un peu changé, ensuite, et c’est ce que j’essaye de retrouver maintenant dans ma pratique : ce temps où on travaillait beaucoup, beaucoup. C’est pour cela que j’ai accroché avec l’aïkido. Si cela avait été trop ésotérique, je ne pense pas que j’aurais continué. Mais à l’époque, cela a été vraiment un bon défoulement.

Le plus de Maître Tamura a été l’étiquette, les cérémoniaux, tous les saluts bien faits ; c’est quelque chose qu’il a de plus en plus approfondi. Au départ, cela a représenté une rupture avec le judo. Au judo, on montait sur le tatami, on courait, on se battait. Là, il y avait un cadre précis, qui coupait de la vie ordinaire. C’est la deuxième chose qui m’a plu. Avec Jean-Paul Moine on installait les tapis, tout le monde se mettait à genoux, il n’y avait pas de bruit et on travaillait. Cela me plaisait beaucoup. On travaillait sur la concentration.
Ce sont vraiment les deux choses qui m’ont fait rester à l’aïkido. Au début j’avais envie de me secouer, de secouer les autres. C’est après que ma recherche est devenue différente, après le 1er dan.


Etes-vous allé au Japon ?

Oui j’y suis allé 15 jours, il y a longtemps, vers 1984, pour un congrès. Cela m’a beaucoup plu mais on faisait trop d’heures d’aikido, et j’en ai gardé un mauvais souvenir parce que j’ai été blessé là-bas, je me suis cassé les deux coudes. Après, cela été de la torture pendant les quelques jours qui me restaient. J’aimerais y retourner, pour voir comment cela a évolué, parce que tous ceux qui nous ont fait cours étaient les vieux maîtres : Tada, Sazaki, Osawa, ces vieux maîtres qui n’y sont plus. J’aimerais bien y retourner, pour voir l’Aïkikaï et les autres clubs autour de l’Aïkikaï, voir ce que c’est par rapport à nos pratiques.


Pensez-vous que cela puisse être très différent ?

Il y a un maître qui est venu à Bras, qui n’était pas Aïkikaï, c’était très intéressant pour la pratique, et la recherche personnelle de ce maître était intéressante.
Nous avons vu maître Tamura changer.

Oui, il a été malade au moment où j’ai commencé et à son retour, des copains m’ont dit qu’il avait complètement changé sa pratique suite à cette maladie. C’était devenu beaucoup plus souple. Il paraît qu’avant c’était très dynamique, c’était une balle de tennis sur le tapis, il y avait quelque chose de très énergique. Après il a un peu baissé et il a travaillé différemment mais moi je ne l’ai pas vu. Je l’ai vu après, durant les 10 dernières années, où il y avait vraiment une différence importante. Mais ce premier tournant, je ne l’ai pas remarqué. Pourtant on le voyait 3 à 4 fois par semaine. Le vendredi, il s’entraînait avec nous, il ne donnait pas toujours cours. Il faisait une partie du cours et il s’entraînait. Au départ, pour le débutant que j’étais, ce n’était pas un maître, c’était un professeur d’aïkido. On montait sur le tatami, on se testait. C’est après…


Et pourquoi après ?

Parce que je me suis engagé plus dans la pratique, j’ai commencé à voir comment cela se passait, à voir qu’il n’était pas un enseignant comme les autres. C’était le seul maître qui était capable sur le tatami de travailler avec les gens. Je n’en ai vu aucun autre, c’est le seul. Tous les maîtres que j’ai vus font cours, prennent des uke, font des démonstrations mais il n’y en a aucun qui est uke pour n’importe qui. Maître Tamura était uke avec tout le monde, et c’était à ses risques et périls parfois. Mais le fait est qu’il travaillait avec tous et cela, je ne l’avais jamais vu, et je ne l’ai pas encore revu. Même maître Chiba, que j’ai revu il y a 2 ou 3 ans, n’est pas uke. Maître Tamura avait autre chose, quelque chose de plus.

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