MASAKATSU BO-JUTSU par Gérard Blaize, de Neuilly.


Gérard Blaize juin 2006 à Thun/CH.

MASAKATSU BO-JUTSU

C'est au mois d'Août 1957 que Maître Hikitsuchi Michio reçoit des mains de Maître Morihei Ueshiba le makimono (rouleau) du bô de l'aïkido ainsi intitulé : Bo-jutsu. Masakatsu Okui Soden. Le diplôme est signé par Maître Ueshiba Morihei et attribué à Maître Hikitsuchi: Hikitsuchi Michio Dono Showa 32 (1957).

Masakatsu : la conviction de vaincre quelque chose qui n'est pas correct avec le cœur de la Justice.

Okui Soden : la transmission de génération en génération de la quintessence de quelque chose.

On peut traduire le diplôme reçu par Maître Hikitsuchi : la transmission réciproque de la quintessence du bâton au cœur de la Justice. Sont ensuite dessinées à l'intérieur du rouleau les différentes techniques de bâton de cette discipline. Comme il l'explique lui-même, c'est à la suite d'un entraînement avec Maître Ueshiba Morihei que Maître Hikitsuchi reçut le diplôme.

« Un jour du mois d'août 1957, vers 1 heure du matin, Maître Ueshiba Morihei me demanda de me lever pour aller au dojo et pratiquer le ken (sho chiku baï no ken*). O Sensei me demanda de l'attaquer comme je voulais, quand je sentirai le bon moment. Je l'attaquais donc, mais pendant l'exécution de ces attaques, je sentis à un moment donné que le bokken de O Sensei était cassé ! Nous nous arrêtâmes et effectivement le bokken de Maître Ueshiba Morihei était coupé sur une bonne longueur de la pointe. Je me suis mis à chercher dans le dojo le bout coupé, mais O Sensei me dit " Qu'est-ce que tu cherches ? N'est-ce pas ce que tu cherches ? ", et en le disant, il sortit le bout cassé de son bokken de l'intérieur de son keikogi. J'étais stupéfait car j'étais persuadé que le bout cassé s'était dispersé dans le Dojo et je me demandais comme il avait pu tomber à l'intérieur du keikogi de O Sensei. C'est ce jour-là que O Sensei a dévoilé le secret du ken de l'aïkido et m'a délivré le makimono du bô de l'aïkido ».

(Selon Maître Hikitsuchi, l'enseignement du sho chiku bai no ken était uniquement verbal et c'était en attaquant O Sensei que l'on apprenait sur le plan de la pratique. Tout ceci peut expliquer pourquoi Maître Hikitsuchi dit que ce jour-là, Maître Ushiba Morihei lui a dévoilé le secret du ken de l'aïkido).

A ma connaissance, Maître Hikitsuchi a été la seule personne à recevoir de Maître Ueshiba Morihei un diplôme attestant sa capacité à transmettre l'enseignement du bô du Fondateur.
Le Bô Masakatsu se compose normalement de 32 techniques intégrées dans des katas. Il est difficile d'en connaître l'origine. Un journaliste japonais avait posé la question à Maître Hikitsuchi et il avait répondu que c'était le ki qui était à l'origine de cette création. Mais il est vrai que Maître Ueshiba Morihei fait la même réponse quand il explique que l'aïkido n'est pas la synthèse de la trentaine d'écoles de budo qu'il avait étudiées, mais que l'aïkido avait été uniquement créé par le ki.

Toujours d'après Maître Hikitsuchi, l'ordre de ces techniques n'est pas fixé, elles sont exécutées avec un bâton dont la longueur est fonction de la taille du pratiquant ; le bâton doit en effet arriver environ à la hauteur du nez de son utilisateur et ces techniques doivent être effectuées seul. Maître Hikitsuchi insistait beaucoup sur ce point : il faut travailler seul et effectivement à l'époque de Maître Ueshiba Morihei, il n' y avait pas de travail à deux ; O Sensei pratiquait seulement avec un partenaire pour expliquer un mouvement, un déplacement par exemple ou bien dans le cadre d'une démonstration ; mais dans ce cadre-là, il utilisait seulement deux ou trois techniques et c'était toujours lui qui les exécutait.

Mais pourquoi est-il important de pratiquer seul et que peut apporter une telle pratique ? Quand on exécute les katas tels que Maître Hikitsuchi les enseignait, on constate très vite que tous les mouvements que l'on effectue avec le bâton se retrouveront quand on exécutera une technique à mains nues. Par exemple, sur une attaque yokomen (frappe à la tempe), le déplacement des pieds est le même que celui que l'on doit faire quand on effectue une technique sur cette même attaque à mains nues. Avancer, piquer avec le bâton enseigne la «rentrée» de la technique « iriminage », etc.

Ainsi, la position des pieds dans cet art du bâton pour se déplacer, piquer par exemple, correspond à la position des pieds que l'on doit avoir quand on bouge pour effectuer une technique à mains nues.

Tout aussi important est l'angle des hanches par rapport au bâton qu'il faut respecter quand on le manie : cet angle est le même, que l'on pique, que l'on avance, que l'on frappe … Cet angle sera encore le même dans l'exécution de la technique à mains nues ; il sera possible de l'étudier grâce à la pratique du bâton, d'en prendre conscience avec mon corps et ensuite de l'appliquer spontanément dans l'exécution des techniques à mains nues.

Avec la pratique, il sera possible de découvrir et d'étudier les rythmes inclus dans l'exécution des katas et toujours avec la pratique, de découvrir que ces mêmes rythmes existent dans l'exécution des techniques à mains nues.

Si ensuite, avec l'aide de vidéos, on s'efforce d'effectuer le kata du Fondateur de l'aïkido, même en partie, l'expérience que l'on en reçoit est très enrichissante pour la découverte de l'aïkido de Maître Uehiba Morihei. En effet, quand on pratique ainsi, on a très vite l'impression que le bâton se meut naturellement sans jamais vouloir s'arrêter, remplissant tout l'espace, n'offrant aucune ouverture à un éventuel agresseur. En même temps, on éprouve la sensation que le bâton bouge pour lui-même sans agir spécialement contre quelqu'un.

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