Le point de vue d'editions n°45FR d'AJ

Tradition


André Cognard à Bourg Argental – 2011.

Horst m’interroge sur la tradition. Je dois dire que le sujet me paraît difficile si l’on veut le traiter dans le contexte de l’aikido. Pour tenter de comprendre quels pourraient être les rapports de l’aikido avec la tradition, je pêche à gauche ou à droite (Littré, Larousse et autres vieilles encyclopédies) différentes définitions ou citations :
« Le sang, l’éducation, l’histoire des ancêtres, jette, dans le cœur des grands et des princes, des semences et comme une tradition naturelle de vertu. » Montesquieu
Transmission de faits historiques, de doctrines religieuses, de légendes, etc., d’âge en âge par voie orale et sans preuve authentique et écrite.
Etymologie : provençal tradition ; espagnol tradicion ; italien tradizione ; du latin traditionem, qui a donné, dans l’ancienne langue, trahison
La tradition, qui, avant l’invention de l’écriture dépositaire de l’histoire des peuples, a tout confondu et tout défiguré.
Les faits mêmes ainsi transmis. Beaucoup de traits d’histoire ne sont que de fausses traditions.
« On croit que des désordres manifestes, qui nous sont venus par tradition, sont des droits incontestables attachés à nos charges » Fénelon.
Transmission orale de récits vrais ou faux, faite de bouche en bouche et pendant un long espace de temps.
La tradition est le lien du passé avec le présent.
J’arrête là par souci de ne pas importuner le lecteur mais il semble que le mot ait fait couler beaucoup d’encre, et cela, même si l’on met de côté le terme pris au sens juridique comme je l’ai fait.

Je note déjà que l’on trouve là pêle-mêle tradition trahison, vrai ou faux, histoire et fausse tradition. Il semblerait que l’on oppose l’écrit indiscutable et la voie orale, sujette à caution. Une constante cependant : le temps. C’est lui qui fait la tradition.

Plus même que le temps, ne serait-ce pas le nombre de générations et donc le nombre de transmissions qui fait la tradition ? Et avec celles-ci, le nombre de trahisons. Traduire c’est toujours trahir un peu mais que dire de ces trahisons si ce n’est qu’elles sont nécessaires. Ce qui fait la tradition, c’est ce qui reste finalement après moultes transmissions. C’est ce qui a persisté comme une sorte de vérité intrinsèque malgré les efforts que chaque génération a faits pour comprendre, intégrer et restituer le message.

Certains aujourd’hui peuvent prétendre faire l’aikido de mon maître comme d’autres prétendent faire celui d’Osensei. Que ce soit du vivant de ces maîtres et après leur mort, personne n’a jamais pratiqué que son propre aikido sous leur direction. D’autres disent faire un aikido traditionnel par rapport à un autre aikido qui serait plus « contemporain ». C’est assez plaisant de repenser cette idée dans le contexte suivant : Osensei disait, si je me fie à des paroles rapportées par divers disciples dignes de foi, que l’aikido d’hier n’était plus, que l’aikido devait être toujours nouveau,  je vous passe les anecdotes que le lecteur a déjà entendues à ce propos. Donc, il semblerait que le propre de l’aikido soit le renouvellement, l’évolution, le changement, la création d’où il ressort à l’évidence que l’aikido le plus traditionnel serait le plus actuel, le plus contemporain, le plus éloigné dans la forme car ayant subi maints changements en préservant le cœur du message, il aurait acquis de statut de tradition …

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